Le Boss prêche la bonne parole à Lille ! (ou comment le E-Street Band dézingue l’administration américaine au stade Pierre Mauroy). Le Boss en France, c’est toujours un évènement ! Mais cette tournée revêt une saveur toute particulière tant depuis l’accession au pouvoir de Donald Trump pour son deuxième mandat, Bruce Springsteen s’insurge publiquement contre le régime en place.
Résultat des courses, la tournée européenne débutée il y a quelques jours par trois dates à Manchester devait initialement être la même que les deux dernières années (beaucoup de dates étant des reports de l’année précédente suite à des pépins de santé du Boss). Mais point de tout ça ! Springsteen colle à l’actualité et nous a fait découvrir à Manchester un show très politisé entrainant des réactions vives de l’autre boss, celui des Etats-Unis. Springsteen répond en diffusant gratuitement un EP 4 titres live enregistré lors du premier concert mancunien. Une aubaine pour les fans. C’est dans ce contexte électrique que le Boss flanqué de son E-Street Band a posé ses valises dans le Nord de la France. Certains auront eu le plaisir de rencontrer Little Steven, le "consigliere" guitariste du Boss dès le vendredi dans une célèbre enseigne dédié à la culture, lui qui y dédicaçait son autobiographie (de 2021) enfin traduite dans la langue de Molière.
D Day ! Les t-shirts des différentes tournées du Boss fleurissent dans le centre-ville Lillois et, dès la fin d’après-midi, direction le métro pour s’approcher du magnifique écrin qu’est le stade Pierre Mauroy. 18h c’est la tuile ! Le métro s’interrompt et malgré quelques nouvelles rassurantes, il ne redémarrera pas de la soirée. Nous faisons partie des chanceux à pouvoir rallier l’enceinte du show en voiture, sans PV et à l’heure ! Nous ne raterons pas le début du show, malheureusement tout le monde ne pourra pas en dire autant.
Photo : Eric JORDA
Mais place au show ! On est habitué depuis la dernière tournée aux échanges entre le Boss et son public, il raconte son histoire, un peu à la façon de son show à Broadway. Alors que les shows de 2023 et 2024 faisaient place à une introspection axée sur l’avancée dans l’âge, la perte des êtres chers, le voici en 2025 pour ce reboot de la tournée rebaptisée Land Of Hope And Dreams vent debout contre Donald Trump ! Et il veut faire passer son message, traduit sur les écrans géants en français pour près de 60 000 spectateurs. « No Surrender » d’entrée pour enfoncer le clou ! Grosse entame en lançant les chevaux à fond dès l’intro ! Mention spéciale à Mighty Max Weinberg derrière les fûts ! On enchaine avec « Land Of Hope And Dreams », le ton du show est donné.
Ensuite, le Boss propose une sélection un peu moins « grand public » avec une version très folk de « Death To My Hometown » notamment puis « Rainmaker » extraite du dernier album studio avec le E-Street Band, Letter To You. Encore une fois, l’administration US va en prendre pour son grade et le Boss jouera dans la foulée une version de « The Promised Land » où il ira communier avec son public qui lui filera un bon coup de main pour terminer la chanson avec lui. Niveau chant, le Boss reçoit sur cette tournée une grande aide du E-Street Choir. Les harmonies vocales sont hyper soignées et ses quatre choristes exceptionnels rajoutent à la magie du E-Street Band.
« Hungry Heart » et une version semi acoustique de « The River » avec Little Steven à la guitare raviront le public avant que le Boss reparte vers des titres moins connus. « Murder Incorporated » permettra au Boss et briller à la guitare en compagnie de Little Steven, lui qui pour le reste du show, laissera une grande part des soli à Nils Lofgren. On remettra ensuite une petite couche anti-Trump avec « Long Walk Home » avant d’atteindre un des sommets émotionnels de la soirée. Puisée encore dans Letter To You, « House Of Thousand Guitars » va nous être envoyée en acoustique et en solo de manière impeccable et imparable par le Boss ! Pas un bruit dans le stade ! Feeling garanti ! Le boss est toujours le Boss ! Du haut de ses 75 balais, le gars fédère ! Pourtant ce soir, il n’est pas face à un public conquis. Dans les travées de Pierre Mauroy, on croise beaucoup de curieux, assistant à leur premier concert du E-Street Band. C’est peut-être à cause de cela que globalement, l’ambiance est loin d’être surchauffée dans le public.
Photo : Emilien ANGELAUD
La fin du set principal sera pourtant de grande qualité avec des versions gorgées de feeling de « My City Of Ruins », « Wrecking Ball » ou encore de « The Rising ». « Thunder Road » clôturera le set avec un Boss très proche de son public, serrant des pognes à tout va entre deux soli d’harmonica. Le boulot est fait est bien fait. Pourtant, il manque encore une petite étincelle pour que le stade s’embrase…
Puis « Born In The USA » ouvre le rappel ! Et autant le titre subit une certaine décote chez les fans purs et durs du Boss, dans un stade contenant beaucoup de « curieux », il remporte tous les suffrages ! Enfin les tribunes se lèvent ! Au diable sonotones et déambulateurs, tout le monde retrouve une seconde jeunesse et c’est parti pour un rappel de dingue ! « Born To Run », « Bobby Jean », le Boss, même s’il semble un peu fatigué, s’emploie, s’appuie sur toutes les forces vives du groupe. « Dancing In The Dark » apporte l’étincelle demandée plus haut. « Can’t start a fire without a spark », c’est le Boss himself qui le dit.
Et puis ce final ! « Tenth Avenue Freeze Out » avec son intro comme lors de l’induction du groupe au Rock ‘n’ Roll Hall Of Fame en 2014 : « Ladies and gentlemen, we just have seen the heart-stopping, pants-dropping, hard-rocking, booty-shaking, love-making, earth-quaking, Viagra-taking, justifying, death-defying, legendary E Street Band. » ! Cette phrase hurlée dans le stade déchaine la liesse des fans ! On aura connu des versions un peu plus dynamiques du titre même si Jake Clemons livre un bel hommage à feu son oncle Clarence. Mais la soirée n’était pas encore terminée. Un dernier morceau pour mettre tout le monde d’accord.
On a commencé le show en s’attaquant à Donald Trump. On va finir de la même manière ! Et pour cela le Boss va dépoussiérer le classique de Bob Dylan « Chimes Of Freedom ». Un titre chargé d’histoire pour Springsteen. Il l’a joué en 1988 lors des shows organisés autour de la libération de Nelson Mandela. Cette fois-ci, il est dédié à l’administration américaine. Musicalement Bruce alterne entre les couplets très peu orchestrés, presque acoustiques, et les refrains et soli où il se mue en chef d’orchestre et lâche son E-Street Band à pleine vitesse ! Quel final !
On se quittera donc après un peu plus de deux heures trente de concert au son du « This Land Is Your Land » de Woody Guthrie balancé dans la sono. On a senti le Boss investi d’une mission, un guerrier prêt à en découdre, diffusant un message qui lui tient à cœur pour sauver « son » Amérique ! Du haut de ses 75 printemps, il tient la baraque ! Certes il court moins qu’avant, il demande plus le soutien de ses merveilleux musiciens, mais rassurez-vous, même si on aurait bien espéré un ou deux titres en plus, le Boss est toujours le Boss ! Alors merci Patron et à la prochaine !
Photo : Emilien ANGELAUD
Setlist : No Surrender, Land of Hope and Dreams, Death to My Hometown, Lonesome Day, Seeds, Rainmaker, The Promised Land, Hungry Heart, The River, Youngstown, Murder Incorporated, Long Walk Home, House of a Thousand Guitars (solo acoustique), My City of Ruins, Because the Night (reprise de Patti Smith Group), Wrecking Ball, The Rising, Badlands, Thunder Road… Rappels : Born in the U.S.A, Born to Run, Bobby Jean, Dancing in the Dark, Tenth Avenue Freeze-Out, Chimes of Freedom (reprise de Bob Dylan).